
La digitalisation des services publics en Afrique : levier de gouvernance ou nouveau facteur d’exclusion ?
- lleprince72
- Jul 1
- 3 min read
Depuis quelques années, les gouvernements africains multiplient les initiatives de digitalisation des services publics. De l’état civil en ligne à la déclaration d’impôts numérique, en passant par les plateformes de santé ou d’éducation à distance, la dématérialisation de l’administration est présentée comme un moteur de transparence, d’efficacité et de lutte contre la corruption.
Pourtant, derrière cet élan modernisateur, se cache un paradoxe inquiétant : ces transformations numériques risquent aussi d’aggraver les inégalités et d’exclure encore davantage les populations les plus vulnérables.
La digitalisation des services publics : une avancée indéniable
Il serait injuste de nier les nombreux progrès réalisés. Dans des pays comme le Rwanda, le Kenya ou encore le Sénégal, la numérisation des démarches administratives a permis :
✅ La réduction des files d’attente et des délais de traitement
✅ Un accès plus rapide aux documents officiels (certificats, permis, etc.)
✅ La limitation des contacts physiques, donc de certaines pratiques de corruption
✅ L’optimisation de la collecte fiscale et des recettes publiques
En Turquie, avec l’exemple de la plateforme e-Devlet Kapısı, des millions de citoyens ont désormais un accès rapide et sécurisé à plus de 5 000 services publics en ligne.
Mais pour qui ? La persistance de la fracture numérique
Le revers de la médaille est brutal. Selon la Banque mondiale (2024), plus de 50% des Africains restent exclus de l’économie numérique, faute d’infrastructures, de compétences ou de moyens financiers pour accéder à Internet.
Résultat :
Des citoyens incapables de faire leurs démarches administratives faute de connexion
Des personnes âgées, analphabètes ou peu familières des outils numériques laissées de côté
Un accès inégal entre les populations urbaines et rurales
Dans certaines régions du Sahel ou de l’Afrique centrale, la digitalisation risque de renforcer l’exclusion administrative de millions de personnes.
L’exemple des e-services pendant la pandémie de COVID-19
La crise sanitaire a révélé ces inégalités de plein fouet. Tandis que certains citoyens des grandes villes utilisaient des plateformes en ligne pour obtenir des aides sociales, des millions de ruraux n’avaient même pas accès à l’information de base sur les dispositifs d’aide.
Digitalisation sans inclusion : un risque démocratique
Un autre danger pointe à l’horizon : la légitimation d’une gouvernance déconnectée de ses citoyens les plus pauvres. Lorsque les services publics deviennent presque exclusivement numériques, la participation citoyenne et l’accès aux droits fondamentaux deviennent inaccessibles pour une partie de la population.
On assiste alors à la montée d’un “apartheid numérique” où seuls les “connectés” peuvent faire valoir leurs droits, tandis que les autres sont invisibilisés dans les processus administratifs.
Vers une digitalisation inclusive : recommandations
Pour éviter que la digitalisation ne devienne un facteur d’exclusion, plusieurs actions sont urgentes :
✅ Renforcer les infrastructures numériques dans les zones rurales et périurbaines
✅ Mettre en place des points d’accès public gratuits (centres communautaires, bibliothèques numériques)
✅ Former massivement aux compétences numériques de base (littératie numérique)
✅ Maintenir des alternatives physiques aux démarches en ligne, au moins pendant une phase transitoire
✅ Intégrer des critères d’équité numérique dans toutes les politiques de e-gouvernance
Conclusion : Une digitalisation à double vitesse ?
La digitalisation des services publics en Afrique est un formidable levier d’innovation et de modernisation, mais elle peut aussi devenir un facteur d’exclusion sociale et territoriale si elle n’est pas pensée dans une logique d’inclusion.
Pour que le numérique soit un vecteur de gouvernance accessible à tous, les politiques publiques doivent impérativement intégrer la question de l’équité numérique.
La transformation digitale ne doit pas laisser les plus vulnérables au bord du chemin.
✍️ Par Thinking Digital for Africa
Édifiant