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🌐 Starlink, GAFI et souverainetĂ© numĂ©rique : le casse-tĂȘte technologique du Cameroun face aux gĂ©ants de la connectivitĂ© mondiale Par Patrice Bekada Think Tank : Thinking Digital for Africa



🧭 Introduction : Entre modernitĂ© connectĂ©e et vulnĂ©rabilitĂ© structurelle


L’Afrique est en pleine mutation numĂ©rique. À mesure que les infrastructures se dĂ©ploient, de nouveaux acteurs transnationaux imposent leurs logiques, remodĂšlent les rapports de force et redĂ©finissent les frontiĂšres classiques du contrĂŽle Ă©tatique. Le Cameroun, Ă  l’instar de nombreux pays africains, fait aujourd’hui face Ă  un dilemme stratĂ©gique : comment embrasser la connectivitĂ© globale sans perdre le contrĂŽle sur ses flux numĂ©riques, financiers et sĂ©curitaires ?


L’arrivĂ©e de Starlink, le service Internet satellite d’Elon Musk, dans un contexte oĂč le pays est inscrit sur la liste grise du GAFI (FATF), soulĂšve une sĂ©rie de tensions entre dĂ©veloppement technologique, souverainetĂ© numĂ©rique et conformitĂ© rĂ©glementaire.


📌 1. Liste grise du GAFI : un avertissement global


L’inscription du Cameroun sur la liste grise du GAFI implique que le pays est considĂ©rĂ© comme prĂ©sentant des dĂ©ficiences stratĂ©giques dans la lutte contre :


  • le blanchiment d’argent,

  • le financement du terrorisme,

  • et plus gĂ©nĂ©ralement la traçabilitĂ© des flux financiers.


Cela impose des engagements rigoureux et expose le pays à des restrictions bancaires, une surveillance internationale accrue, et un risque élevé pour les investisseurs étrangers.


đŸ›°ïž 2. Starlink : une innovation technologique difficile Ă  encadrer


Le modÚle Starlink repose sur un réseau de satellites en orbite basse, permettant une connectivité Internet :


  • Ă  haut dĂ©bit,

  • sans passer par les infrastructures locales,

  • avec des terminaux compacts, mobiles et difficiles Ă  dĂ©tecter.


Or, cette décentralisation radicale pose un défi de taille :


Comment un État peut-il surveiller ou restreindre un flux numĂ©rique qui Ă©chappe Ă  ses frontiĂšres, Ă  ses infrastructures, et Ă  ses cadres juridiques ?


Les autorités camerounaises, déjà limitées en matiÚre de capacités techniques, de cybersécurité et de régulation des TIC, peinent à imposer des conditions à un acteur aussi puissant que Starlink, qui évolue dans une logique transfrontaliÚre.


💾 3. Contexte Ă©conomique contraint : prĂȘts du FMI et arbitrages budgĂ©taires


Les rĂ©cents prĂȘts contractĂ©s auprĂšs du FMI pour plusieurs centaines de millions de dollars tĂ©moignent des fragilitĂ©s Ă©conomiques du Cameroun. Ces ressources, bien qu’essentielles pour les rĂ©formes structurelles, ne permettent pas de dĂ©gager des marges suffisantes pour des investissements massifs dans :


  • la surveillance numĂ©rique,

  • la formation des experts en cybersĂ©curitĂ©,

  • ou la modernisation des autoritĂ©s de rĂ©gulation des tĂ©lĂ©coms.


Autrement dit, pendant que les acteurs du numĂ©rique privĂ© gagnent du terrain, l’État se retrouve dans une posture dĂ©fensive et rĂ©active, souvent dĂ©pendante de l’aide extĂ©rieure pour renforcer ses capacitĂ©s.


🧠 4. Le vrai enjeu : souverainetĂ© numĂ©rique et asymĂ©tries globales


L’affaire Starlink au Cameroun symbolise une problĂ©matique bien plus large :


Les États du Sud, pris dans une course Ă  la numĂ©risation, ne maĂźtrisent ni les standards technologiques, ni les infrastructures, ni les rĂšgles du jeu.


La souverainetĂ© numĂ©rique, entendue comme la capacitĂ© d’un État Ă  dĂ©finir, contrĂŽler et protĂ©ger ses flux d’informations, est aujourd’hui gravement menacĂ©e. Dans un environnement oĂč les gĂ©ants technologiques dictent les conditions d’accĂšs Ă  Internet, les États risquent de devenir de simples usagers d’un systĂšme conçu ailleurs, pour d’autres intĂ©rĂȘts.


đŸ› ïž 5. Quelles pistes pour un rééquilibrage stratĂ©gique ?


Face Ă  cette situation, plusieurs actions sont envisageables :


  • Renforcement des capacitĂ©s nationales : formation, Ă©quipements, agences spĂ©cialisĂ©es en cybersĂ©curitĂ©.

  • RĂ©gulation coopĂ©rative : dĂ©veloppement de mĂ©canismes africains communs pour encadrer les services comme Starlink (via l’Union africaine, Smart Africa, etc.).

  • Diplomatie technologique : nĂ©gociations bilatĂ©rales avec les fournisseurs pour garantir un minimum de souverainetĂ© (serveurs locaux, accĂšs aux logs, collaboration avec les autoritĂ©s locales).

  • DĂ©veloppement de solutions rĂ©gionales alternatives : soutien aux projets africains de connectivitĂ© et de souverainetĂ© des donnĂ©es (data centers, rĂ©seaux open source
).


🎯 Conclusion : Vers une gouvernance numĂ©rique africaine


Le dĂ©fi que reprĂ©sente Starlink n’est pas unique au Cameroun. Il pose une question fondamentale Ă  toute l’Afrique : voulons-nous ĂȘtre de simples consommateurs de technologies mondiales, ou des architectes de notre propre futur numĂ©rique ?


La rĂ©gulation ne doit pas ĂȘtre vue comme un frein Ă  l’innovation, mais comme un levier de souverainetĂ©, garantissant que les transformations numĂ©riques profitent Ă  tous, sans fragiliser les institutions nationales.


L’urgence est lĂ . Il est temps de penser une gouvernance numĂ©rique africaine forte, inclusive et souveraine.

 
 
 

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